Par grands vents

« Ce que peuvent bien être l’innocence et la faute, ce que sont la civilisation et le langage, ce que sont les hommes, les bêtes, les odeurs, les couleurs, le jour, la nuit – tout cela, au lieu d’être plus ou moins admis, plus ou moins su, est remis à la pensée comme un terrain tremblant ». Jean-Christophe Bailly, à propos de Kaspar Hauser.

C’est d’abord un plateau de théâtre ou plutôt un terrain de jeu qui s’avère un terrain tremblant. On y entre par la nuit (présence de la lune), par la mort (une tombe est fleurie), et par un rapport à la poésie, au langage.

Un petit groupe d’êtres maladroit·es et particulièrement sensibles, des êtres brisés mais obstinés, occupe ce terrain.

C’est à partir d’eux que s’invente et se fantasme un lieu aux multiples strates, un « ancien palais » qui aurait gardé de son histoire et de sa mémoire sa fonction de lieu d’annonce, de parole et de pressentiments. De là aussi, un paysage fait de pierre blanche, où la mer est proche et le soleil rude.

Ces êtres profitent de la présence d’une source d’eau potable pour entamer, en complicité avec le public convié-là, une sorte de rituel qui s’avère rapidement trop grand pour elleux, se cogne contre le mur du monde et n’échappe pas à des rapports de force qui s’agitent aux alentours. Il s’agit alors de re-configurer les choses au présent, de faire avec ce qu’on avait pas pris en compte, avec les strates et les impensés de l’Histoire, la mémoire et l’oubli…

On devine que ce rituel charrie « ce qui manque » autant que l’indicible ; que le lieu de parole est aussi l’espace où s’autorise le droit de ressasser des événements et des mémoires, de convoquer la rencontre avec l’autre, d’user de la parole poétique comme contre-discours.

En même temps que la présence de l’eau potable sera disputée (symboliquement et concrètement), que des forces contraires repousseront vers la marge et la périphérie le rituel en cours, les êtres tenterons malgré tout que se dévoile des récits, que se formule des tabous.

Par grands vents contient l’intuition de faire frôler l’Antique et l’aujourd’hui en travaillant notamment sur des figures anciennes du théâtre grec pour livrer une fantaisie tragique portée par des êtres dramatiques dysfonctionnels dépassé.e.s par un rituel qui leur est pourtant nécessaire.

Crédits

Mise en scène Eléna Doratiotto et Benoît Piret

Avec Eléna Doratiotto, Tom Geels, Fatou Hane, Bastien Montes, Benoît Piret, Marthe Wetzel

Assistanat à la mise en scène Nicole Stankiewicz

Collaboration à la dramaturgie Anne-Sophie Sterck

Regards complices Conchita Paz & Jules Puibaraud

Scénographie Matthieu Delcourt

Costumes Claire Farah

Création lumière & régie générale Philippe Orivel

Régisseur plateau Clément Demaria

Stagiaire assistanat & production Armelle Puzenat

Production déléguée, diffusion & accompagnement Wirikuta ASBL Aurélie Curti, Catherine Hance & Laetitia Noldé

Coproduction Théâtre Les Tanneurs, Les Halles de Schaerbeek (Bruxelles), Théâtre de Liège, Théâtre des Célestins – Lyon, Théâtre des 13 vents – CDN de Montpellier, Théâtre Joliette – Marseille, Théâtre Antoine Vitez – Ivry-sur-Seine, La Coop Asbl et Shelter prod.

Soutiens Théâtre 71 – Malakoff scène nationale, WBI – Wallonie Bruxelles International, la Commission d’Aide aux Projets Théâtraux (CAPT) de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Chaufferie-Acte 1, Zoo théâtre, Taxshelter.be, ING et le tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

Photos
© Rehaf Al Batniji